Il y a parfois des réflexions d’enfants qui nous stoppent net dans notre élan, révélant avec une simplicité désarmante les contradictions que nous vivons au quotidien. C’est exactement ce qui s’est passé quand mon neveu de 8 ans m’a dit : « Ils nous apprennent la bienveillance en nous criant dessus. »
Derrière cette phrase innocente se cache une observation subtile et percutante : comment peut-on enseigner des valeurs positives, comme la bienveillance, en utilisant des méthodes qui en sont l’opposé, comme les cris ou l’autoritarisme ? Cette remarque, bien que formulée dans le contexte scolaire, s’applique bien au-delà de l’éducation des enfants : elle touche aux pratiques managériales et aux relations interpersonnelles en entreprise.
Le paradoxe de l’éducation par la contrainte
Dans le système scolaire, on parle beaucoup de bienveillance aujourd’hui : l’idée que les enseignants doivent encourager la patience, l’écoute, l’empathie, et créer un environnement propice à l’apprentissage. Pourtant, combien d’enfants se retrouvent confrontés à des situations où l’impatience, l’autoritarisme, voire les cris sont utilisés pour corriger ou redresser les comportements ? Cela envoie un message contradictoire : la bienveillance est une valeur que l’on veut inculquer, mais pas nécessairement une que l’on pratique envers les enfants.
Cette contradiction est bien plus fréquente qu’on ne le pense, et ce n’est pas seulement dans les écoles. Dans les familles, au travail, dans les relations amicales, nous sommes parfois pris dans ce même paradoxe : nous voulons des relations humaines basées sur le respect et l’écoute, mais, dans l’urgence ou la frustration, nous cédons à des méthodes qui contredisent nos intentions.
En entreprise : une bienveillance managériale factice ?
En entreprise, la bienveillance est devenue un mot-clé à la mode. On encourage les managers à développer une écoute active, à valoriser leurs équipes, à encourager l’autonomie. Pourtant, dans la réalité, combien de salariés se plaignent de managers autoritaires, exigeants, voire parfois humiliants, qui mettent une pression énorme sur leurs équipes tout en prônant la « bienveillance » dans leurs discours ?
Ce paradoxe est particulièrement visible dans des environnements où les objectifs sont élevés et où la pression est constante. Le manager qui parle de bienveillance tout en multipliant les réunions stressantes, les deadlines irréalistes, ou les reproches acerbes, finit par créer une dissonance qui déstabilise ses collaborateurs. Ils ne savent plus si la bienveillance est un principe réel ou un simple slogan.
Pourquoi cela ne fonctionne pas
Quand les actions sont en contradiction avec le discours, cela crée de la confusion et un manque de confiance. Si un enfant (ou un salarié) est crié dessus sous prétexte de lui apprendre la bienveillance, il ne retient qu’une chose : crier ou faire pression est la vraie méthode pour obtenir des résultats, et non l’écoute ou l’empathie.
Cette dissonance cognitive, où le message verbal est contredit par le comportement, a des conséquences directes. Chez les enfants, cela peut se traduire par une perte de confiance en l’adulte ou une tendance à reproduire ce modèle relationnel basé sur l’agressivité. Chez les adultes, et particulièrement en entreprise, cela se manifeste par une démotivation, une perte d’engagement, et parfois un véritable burn-out.
Comment réconcilier les intentions et les actions
La bienveillance, comme toute valeur, doit avant tout être vécue et incarnée. Il ne suffit pas de la prôner, il faut la pratiquer de façon cohérente. Cela passe par une prise de conscience de nos propres contradictions : comment réagissons-nous sous stress ? Quelle image transmettons-nous réellement à nos enfants ou nos équipes ?
Pour enseigner la bienveillance, que ce soit à des enfants ou à des salariés, il faut d’abord accepter de renoncer à la violence (verbale ou émotionnelle) comme outil de correction. L’autorité peut être ferme sans être autoritaire, et la discipline peut être enseignée sans cris ni humiliations.
Conclusion : Une phrase qui nous interroge tous
« Ils nous apprennent la bienveillance en nous criant dessus. » Cette phrase fait réfléchir, car elle révèle le décalage entre nos idéaux et nos pratiques quotidiennes. Que ce soit en tant que parents, enseignants, ou managers, il est essentiel de s’interroger sur la manière dont nous incarnons les valeurs que nous voulons transmettre. Si la bienveillance est un objectif, alors elle doit commencer par nos actions, et non se limiter à des mots.
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